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Ne nous racontons pas d’histoires

31/07/2019 | Paul Dussault

Si les jeux de société racontaient des histoires, ça se saurait.

On lirait, on écouterait ces histoires. On suivrait les parties, les noterait, les enregistrerait, y assisterait et se les rejouerait par tous les moyens, pour en arriver à leur histoire. On retrouverait ces histoires un peu partout; elles pourraient emplir des bibliothèques, des cinémathèques, des amphithéâtres. Comme toutes les histoires elles auraient leur vie propre. Elles seraient traduites, chantées, filmées, jouées – si les jeux de société racontent des histoires, où sont-elles?

Et où est leur public? Je veux dire, leur public de non-joueurs? Parce qu’après tout, une histoire est une histoire, donc capable d’atteindre tout un chacun, et pas seulement les amateurs de jeux. Et donc tout comme le sport, la musique, la cuisine ou le cinéma, le jeu aurait un public fervent parmi les non-pratiquants, les non-connaisseurs.

Si les jeux de société racontaient des histoires, les joueurs aussi auraient un public, leur public, comme des acteurs, des athlètes ou des cuisiniers. De fidèles et passionnés non-joueurs, comblés par le simple fait de s’asseoir et de les regarder jouer. Et plus que disposés à payer pour ça.

Un public profane se réunirait à toutes les occasions, aurait ses favoris, ses héros, ses monstres sacrés. On saurait ainsi que les jeux de société arrivent au moins à exprimer des émotions.

Les jeux ne seraient pas une niche s’ils racontaient ou exprimaient quoi que ce soit.

Ne nous racontons pas d’histoires: les jeux de société ne racontent pas d’histoires.

Ils en fabriquent.

Pareillement, les jeux de société n’expriment pas d’émotions, ils en suscitent, chez tous ceux qui les pratiquent. Les joueurs en sont à la fois les artisans et le public. Le début et la fin. Les jeux roulent en circuit fermé.

Et il importe peu que la portée des histoires qu’ils fabriquent soit si minime, se limite le plus souvent au cercle magique des joueurs et à la brièveté du moment. Parce que tout le plaisir, vaste, unique, est de fabriquer ces histoires.

Qu’est-ce donc qu’une histoire qu’on ne raconte pas? Qu’on ne peut facilement, efficacement, partager, transmettre au-delà du cercle des initiés?

C’est une expérience. Et le jeu offre une expérience vive, immédiate. À ses joueurs.

Mais une expérience est encore bien loin d’être une histoire.

Un jeu est une expérience, une histoire est une expérience racontée. Une expérience qu’on a figée, cristallisée, puis décortiquée, reconstruite et polie.

Le jeu de société n’a pour ainsi dire pas d’existence au-delà de ses spécialistes, tandis qu’une bonne histoire peut être appréciée par tous, peu importe le milieu, la culture, la langue ou même l’époque.

C’est bien méconnaître jeux et histoires que de les confondre. C’est ne pas voir ce qu’ils ont de spécial et de précieux, chacun à sa façon.

Le jeu est bien trop sophistiqué pour raconter des histoires.

Au moins autant que les histoires sont bien trop sophistiquées pour être racontées par un jeu.

Classé sous: Marginalia, Marginalia

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