Tonka ou Meccano?
Ces deux compagnies, connues pour leurs jouets mécaniques en métal, sont toutes les deux toujours prospères, et cumulent ensemble près de deux siècles d’existence.
Quand on se retrouve devant deux grues miniatures, une Tonka et une Meccano, on voit combien les expériences qu’elles proposent sont différentes.
Dès le premier abord, en ouvrant la boîte, avant que la grue Meccano soit montée, c’est Tonka qui va retenir votre attention. Avec sa grue miniature robuste, réaliste et attrayante, prête à prendre sa place dans votre imaginaire. Du côté de Meccano, on n’a qu’une boîte contenant des pièces de métal de tailles et formes diverses, des vis, des engrenages, des courroies, des roues. Et un livret d’instructions.
Une fois la grue Meccano montée, elles diffèrent encore. Et encore ici probablement à l’avantage de Tonka. Parce qu’en comparaison avec sa grue profilée en acier moulé, qui reproduit fidèlement les contours et l’aspect d’une grue, et qui résiste au sable et à l’eau, Meccano offre une grue balourde, aux contours grossiers, pleine de trous et de vis qui dépassent, avec ses mécanismes exposés. Bref un jouet qui n’a rien du fini des jouets Tonka, mais qui a plutôt l’air d’une armature, d’un prototype de grue.

Or si Meccano existe encore après plus d’un siècle – depuis presque deux fois plus longtemps que Tonka en fait –, si ses jouets sont encore pertinents aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’ils ressemblent à leur contrepartie réelle. C’est plutôt qu’ils savent faire une chose qui échappe complètement aux jouets Tonka – ils se transforment. Une fois qu’on a compris comment la grue Meccano fonctionne, on peut ensuite facilement s’amuser à appliquer cette nouvelle compréhension pour modifier sa forme, sa taille, sa fonction. Pour créer des variantes de grue. À loisir. En plus de nous faire jouer avec une grue, Meccano nous fait jouer avec le concept de grue.
Alors que Tonka offre un jouet prêt-à-jouer, qu’on s’amuse à opérer, Meccano offre un jouet qu’on s’amuse à fabriquer.
D’un côté un résultat, de l’autre, un processus.
Il faut qu’il y ait un peu de l’amateur de Meccano dans tout adepte du jeu de société. Parce qu’avec son livret de règles et ses bouts de carton, ses mécaniques qu’on doit examiner et comprendre avant de pouvoir jouer, ce que le jeu de société promet surtout, ce sont des processus. Des transformations. Or qu’il l’admette ou non, l’amateur de jeux de table aime son plaisir en pièces détachées, un plaisir qu’il aime varier en le reconstruisant chaque fois.
Et c’est encore plus vrai de l’amateur de jeux de société historiques – qui ne sont rien d’autre que des événements historiques en kit. De l’histoire à construire soi-même. Des circonstances, acteurs, causes et effets, des courants d’idées et autres lignes de force, distillés en un modèle réduit. Modèle qu’on doit d’abord comprendre, et qu’on peut ensuite manipuler, assembler/désassembler, explorer à loisir, dans ces petits laboratoires historiques en carton. Juste pour voir. Et si c’était arrivé plutôt comme ça…
Tonka et Meccano survivent toutes les deux parce qu’elles satisfont deux facettes distinctes de notre curiosité. Chacune vient avec un lot de questions qui lui est propre. Comment on se sent quand on opère une grue? Que peut-on faire avec une grue? sont des questions très différentes de Comment fonctionne une grue? Comment je peux la rendre plus forte, plus légère?
Tonka et Meccano sont deux jouets essentiels, qui vont dans deux directions opposées.
Qu’est-ce qui vous amuse le plus?
Quel type de joueur êtes-vous?
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