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La Clarté ou la Mort

13/09/2016 | Paul Dussault

La Clarté ou la Mort

Une de nos règles maison est que les joueurs ne reprennent habituellement pas leurs coups. Je ne suis pas sûr que ça s’applique aux blogueurs, cependant.

C’est que je suis sur le point de changer d’avis à propos de ce que j’ai écrit récemment à propos de Cuba Libre. Disons que j’aimerais au moins faire une mise à jour.

Je pense toujours, comme la plupart, que sa carte plus petite, ses règles plus simples et son deck plus mince font de Cuba Libre une excellente introduction au système COIN. Mais je vois maintenant les choses un peu différemment.

Ce qui s’est passé? J’ai joué quelques parties de Liberty or Death, de Harold Buchanan.

Puis encore quelques autres.

J’étais intrigué: il s’agit d’un jeu plutôt long et complexe. Et pourtant j’y ai joué tout de suite avec aisance, sans sentir la moindre courbe d’apprentissage.

Le jeu n’est peut-être pas si complexe? Ses règles font tout de même 40 pages et autour de 25,000 mots. Sa durée moyenne est de 3 heures. Il vient avec plus de 100 cartes événements, 6 types d’unités et comporte un mécanisme de bataille complètement nouveau. Il est évalué un peu partout comme le deuxième plus lourd de la série COIN. À l’évidence, Liberty or Death est un jeu complexe.

Seulement, ça n’a jamais paru.

Pourquoi? Est-ce que je m’améliorerais aux jeux COIN au point de ne plus en remarquer la complexité? Si seulement. Mais je ne pouvais tout de même pas y jouer de travers à ce point non plus, non? Le sujet, alors? À part habiter la ville de Québec (en haut à droite de la carte magnifique conçue par Terry Leeds), et être familier avec quelques épisodes du conflit, je n’avais pas tant de connexions particulières avec la Révolution américaine quand j’ai commencé à apprendre le jeu (c’est mieux maintenant, grâce à Harold Buchanan et à John Ferling).

J’ai été encore plus étonné, en allant vérifier en ligne, de voir qu’un jeu aussi complexe était aussi bien reçu. Et par tous types de joueurs.

N’y avait donc pas que moi.

J’ai ensuite remarqué quelque chose. À chaque fois que je pensais à ce jeu, c’était aux personnages et aux événements que je pensais. Ceux que je connaissais déjà, comme Guy Carleton, Benedict Arnold ou la Bataille de Québec, et ceux au sujet desquels le jeu me renseignait, comme Danbury, Adam Smith, l’expédition Sullivan ou Langlade.

Et le déclic s’est fait.

Les apprentis veulent des récits

Une de mes caractéristiques préférées de la série COIN est sa diversité. Que chaque titre ait un (co-)concepteur différent garantit l’apport d’idées fraîches et nouvelles au système.

Ce que Liberty or Death apporte au système COIN est le récit. Et pas à peu près.

Récit?

Je ne parle pas, ici, d’aventures immersives à la Livres dont vous êtes le héros, Donjons & Dragons ou les récents jeux de type Legacy. Ni des cadres narratifs plus spéculatifs qui émergent des jeux COIN plus avancés.

Ce dont je parle serait plutôt entre les deux. De petits indices, de menus incitatifs disséminés dans tous les aspects du jeu. Des mécanismes fins, à peine visibles individuellement, mais qui se combinent pour accélérer et renforcer notre compréhension du jeu et de l’histoire qu’il relate. Sans même qu’on s’en aperçoive.

Parce que rien ne nous aide à assimiler un nouveau jeu et son sujet, à retenir tout un tas de règles et de faits historiques, comme une bonne trame narrative.

Et rien ne construit mieux une trame narrative solide et attrayante que la clarté. Des personnages bien définis, des faits tangibles et un langage concret.

Ça semble tout simple, n’est-ce pas? Que non. Concevoir des jeux aussi spécialisés en gardant en tête le novice n’arrive pas comme ça. La clarté ne se pointe pas là par hasard. Quelqu’un, quelque part, a dû la rechercher âprement.

Dans Liberty or Death, la chasse à l’indistinct et à l’abstrait est trop incessante, l’élimination de tout ce qui est anonyme et générique est trop systématique pour ne pas être intentionnelle. Et pour ne pas être fructueuse. L’histoire qui émerge s’en retrouve envahissante. Irrésistible. Incontournable.

Tout se tient. Et se retient.

En voici 5 exemples.

1. Actions différenciées

Une bonne partie du plaisir et de l’intérêt qu’offre le système COIN vient du fait que chaque faction a ses propres objectifs et, jusqu’à un certain point, ses propres règles – mais pas vraiment ses propres actions. Le Syndicat cubain est la seule faction pouvant bâtir des casinos, et le pouvoir de taxer est une spécialité Viet Cong, mais les 4 opérations de base sont demeurées les mêmes – et génériques. Même dans un modèle plus élaboré comme Fire in the Lake, les factions COIN Entraînent / Patrouillent / Ratissent / Assaillent, et les insurgés Rallient / Marchent / Attaquent / Terrorisent. Liberty or Death est le premier jeu à rompre avec le canon, pour ainsi dire. Pour s’adapter à la période, bien entendu. Mais aussi pour immédiatement donner au nouveau joueur une meilleure compréhension, une meilleure traction. Certaines opérations sont encore identiques d’une faction à l’autre, mais ont gagné un nom distinctif: les armées régulières se mobilisent (Muster), les Patriotes se rallient (Rally), et les Indiens se regroupent (Gather). Mais il y a aussi beaucoup, plus que jamais auparavant, d’actions uniques à chaque faction. Et leurs noms s’y rattachent si bien qu’il est facile de les deviner sur-le-champ: Explorer (Scout), Mettre en garnison (Garrison), Faire un raid (Raid), Incitation à la révolte (Rabble-Rousing); Cause commune (Common Cause); Partisans. Préparer la guerre; Sentier de la guerre (War Path); Roderigue Hortalez et Cie. Des noms concrets, distincts et évocateurs. Parce que les actions définissent le caractère.

2. Des Capacités personnalisées

lod_leaders

Les capacités et momentums jusqu’ici plutôt abstraits et interchangeables (ou réversibles), qui affectent le jeu depuis l’extérieur de la carte, ont reçu un visage, un nom propre et un lieu spécifique. Ils ont été remplacés par des leaders historiques qui prennent directement part à l’action. Washington, Rochambeau ou Clinton se déplacent avec vos forces, leur prêtent leurs principales caractéristiques pour une durée variable – puisque la plupart des leaders se succèdent durant la partie. Vous ne pourrez les acquérir ni les accumuler. Ils sont moins nombreux, plus simples, mais bien définis. Oh, et il est maintenant beaucoup plus difficile d’oublier qu’ils sont en jeu.

3. Influence significative

propaganda

Les jetons noirs Terror qui, en gros, rendent la population d’un espace plus difficile à influencer, ont été un des éléments s’appliquant indistinctement à toutes les factions insurgées dans chaque volume de la série. Plus maintenant. Dans Liberty or Death, ils ont été rendus plus évocateurs, de deux façons. Premièrement, Indiens et Rebelles ont maintenant chacun leur propre façon d’influencer les populations, tout comme leur propre jeton représentant cette influence. Ils n’affectent aussi que certaines factions. Deuxièmement, ces jetons viennent en 24 exemplaires. Douze portent le nom de tribus indiennes, et douze autres arborent le portrait et le nom de patriotes éminents. Le tout sans aucune autre utilité que d’apporter un peu de « saveur historique », comme le mentionnent trop modestement les règles. Parce que pour le novice du moins, noms et visages apportent plus que de la saveur. Ils apportent un lien, de l’identité, du sens. Les raids sont fait par les Cherokees, les Choctaws ou les Mohawks. La propagande est servie par Patrick Henry ou Benjamin Rush. Et les effets sont persistants dans l’espace qu’ils occupent. Ça ne vous paraît pas plus sensé, quand vous en êtes à essayer d’absorber les règles du jeu? La carte ne devient-elle pas plus facilement lisible? Même le dos de quelques jetons est mis à contribution quand il s’agit de renforcer le récit. Voilà comment pense un conteur. Et voilà comment vous, en tant que nouveau joueur, vous retrouvez davantage pris par le jeu.

4. Des Rondes de pointage thématiques

lod_winter_quarters_opt

Quand j’ai commencé à jouer aux jeux COIN je n’avais pas la moindre idée de ce que pouvait représenter la ronde de Propagande. Même aujourd’hui j’ai du mal à expliquer cette ronde à des joueurs débutants en faisant appel à une quelconque réalité. Les rondes de Quartiers d’hiver de Liberty or Death, elles, s’expliquent d’elles-mêmes, et leurs multiples phases se retiennent facilement. Vous souriez d’un air entendu dès qu’elles sont mentionnées. C’est l’hiver, au XVIIIe siècle; évidemment que les hostilités s’interrompent, que les forces se regroupent, récupèrent, voient à leur ravitaillement, etc. Toutes les phases tombent en place. Et se fixent dans votre mémoire.

5. Des Événements clairs et nets

Je vais m’étendre un peu sur ce point. Parce que la sélection et la présentation des 104 événements de Liberty or Death est certainement une des caractéristiques les plus utiles et attrayantes pour les nouveaux joueurs.

On pourrait d’abord se demander pourquoi ces jeux comportent des événements? Pourquoi ne pas se contenter d’instructions écrites sur des cartes numérotées? Ça fonctionnerait quand même sans problème, non? C’est dire combien le récit est la raison d’être des cartes événements, et est au coeur même des Card Driven Games. C’est ce qui les rend historiques.

Aussi, sur le plan du jeu lui-même, bien connaître le deck et les interactions entre les cartes fera de vous un bien meilleur joueur. Mais apprivoiser un deck de plus de 100 cartes ne vas pas de soi et on a besoin de toute l’aide possible, à commencer par l’aide que peuvent nous fournir les événements eux-mêmes. Lorsque rédigés de façon claire et directe, ils peuvent même devenir de petits tutoriels.

J’ai admis ailleurs avoir eu du mal à me familiariser avec le système COIN. J’ai fait mes dents sur A Distant Plain. Évidemment, j’ai été l’auteur de la plupart de mes malheurs: je n’avais pas la moindre expérience et j’ai fait toutes les erreurs possibles. Mais après avoir essayé Liberty or Death, je me suis tout de même demandé jusqu’à quel point les événements ont pu nuire à mon apprentissage. J’ai donc décidé d’aller jeter un coup d’oeil, pas seulement au bon vieux ADP, mais aux 4 premiers volumes de la série.

Ce que j’ai découvert m’a étonné.

Un Nom qui en dit long

Temps de jouer à un petit jeu. Pour débutants COIN seulement. C’est un genre de « Pictionnaire » inversé: je vous donne quelques mots (évidemment en anglais), et vous essayez de vous les représenter par une image mentale. Si vous avez quelques notions du système COIN, essayez d’associer cette image avec n’importe laquelle des factions, ou des camps de n’importe quel jeu COIN. Tout simple. Prêt?

  • AIR BRIDGE
  • DEMOBILIZATION
  • CHANGE IN TACTICS
  • INTERNATIONAL FORCES
  • DEFECTIONS
  • STRATEGIC PARTNERS
  • BREAKTIME
  • LINE ITEM
  • NIGHT RAIDS
  • BORDER INCIDENT

Pas évident? Je sais. Oublions les jeux, alors. Essayez seulement de vous représenter les événements décrits par les termes suivants. Ce qui va arriver, où, et à qui.

  • KILL ZONE
  • SAPPERS
  • FACT FINDING
  • TRUCKS
  • NATO
  • CADRES
  • FRATRICIDE
  • ARMORED CARS

C’est bon. On y est presque. Maintenant, faites le même exercice avec ceci:

  • GUY CARLETON AND INDIANS NEGOTIATE
  • CONGRESS’ SPEECH TO THE SIX NATIONS
  • GENERAL BURGOYNE CRACKS DOWN
  • DE GRASSE ARRIVES WITH THE FRENCH FLEET
  • COMTE D’ORVILLIERS BUILDS A FLEET AT BREST
  • EDWARD HAND RAIDS INTO INDIAN COUNTRY
  • WYOMING MASSACRE
  • THE AFFAIR OF FIELDING AND BYLANDT
  • MARQUIS DE LAFAYETTE ARRIVES IN COLONIES
  • BRITISH ATTACK DANBURY
  • THE NEWBURGH CONSPIRACY
  • LEGEND OF NATHAN HALE
  • MARTHA WASHINGTON TO VALLEY FORGE

Je n’essaie pas d’être facétieux ou sarcastique. Je regarde simplement ces titres avec l’oeil du débutant. En assumant que vous n’avez aucune connaissance préalable du sujet, voici quelques questions:

  • Quels titres vous ont semblé les plus vivants? Ont résonné le plus?
  • Quels événements vous ont semblé les plus immédiatement compréhensibles et, dans le contexte d’un jeu, les plus directement utilisables?
  • Lesquels vous donnent le plus l’impression d’être des faits historiques que vous apprenez?
  • Combien d’éléments avez-vous retenu des deux premières listes? De la troisième?

D’un côté, des titres faits d’un ou deux mots génériques, minutieusement dépouillés de tout contexte spécifique. Rien de plus que des indices renvoyant à des notions, facteurs, doctrines, développements, conjectures, etc. De l’autre, des manchettes simples et instructives décrivant des faits et personnages historiques.

Ce type de titres ressemble à des manchettes de journaux parce qu’ils ont le même but: attirer et informer. Ils ne présupposent pas que vous connaissez déjà ce dont ils vont vous parler. Parfait pour le novice.

Cependant, il n’y a rien de mauvais dans l’autre type de titres. Ils ne s’adressent simplement pas à vous en tant que débutant, voilà tout. Vous en viendrez à apprécier bien davantage ces titres avec l’expérience, en constatant leur plus grande souplesse et l’espace qu’ils laissent à la spéculation et la conjecture. Parce que lorsque peuplé par la connaissance et l’expérience, l’abstrait devient synthétique, le générique devient versatile.

Mais pour le moment vous ne souhaitez qu’apprendre le jeu.

(Sans compter que de s’appuyer principalement sur des événements spécifiques pour décrire des conflits comme la guerre en Afghanistan aurait pu signifier des centaines de cartes, et des titres truffés de noms inconnus et difficiles.)

De petites poussées

Thaddeus Kosciuszko, Expert Engineer

C’est tout ce que ça prend. Un événement pourrait s’intituler Thaddeus Kosciuszko (ou simplement Kosciuszko, comme on l’aurait probablement intitulé dans les premiers volumes de la série) sans attirer l’attention. Parce que ça fonctionne. Quand vous connaissez le type et ce qu’il a fait, son seul nom de famille suffit. Mais Thaddeus Kosciuszko, Expert Engineer fonctionne même quand vous ne le connaissez pas. Les deux mots ajoutés donnent une idée de son rôle et de son impact, et permettent de demeurer dans le jeu sans être interrompu par le manque de connaissance. Petit changement, grande différence.

Un langage concret aide les gens, spécialement les novices, à comprendre de nouveaux concepts. L’abstraction est le luxe de l’expert.
– Dan Heath

Un Décompte final

Encore un point. Je n’ai pas pu résister à faire un décompte brut, rien de scientifique. Seulement pour satisfaire ma curiosité. Voici le pourcentage d’événements que je considère concrets et spécifiques, dans chacun des 5 premiers volumes de la série. Pour compter comme spécifique, un événement se devait d’être à propos d’une personne dûment nommée (peu importe sa notoriété), ou d’un fait ponctuel, limité et daté (pas nécessairement sur la carte elle-même – j’ai aussi utilisé les résumés du playbook). Pas de circonstances globales, de lieux, de généralisations ou de conjectures.

La Clarté ou la Mort - Graphique
  • Andean Abyss: 23/72
  • Cuba Libre: 28/48
  • A Distant Plain: 10/72
  • Fire in the Lake: 48/130
  • Liberty or Death: 87/104

Goûtez-y

Je crois que Liberty or Death fait l’impossible pour intéresser les nouveaux joueurs. C’est un objectif élevé et exigeant, et qu’il atteint brillamment.

Sa grande clarté ne fera pas qu’aider les nouveaux joueurs mais, encore mieux, pourra convertir des passants en nouveaux joueurs.

Donc, si on me permet de reprendre partiellement mon coup, je dirais maintenant que Liberty or Death pourrait être votre entrée la plus captivante et mémorable dans la série COIN, ou dans les jeux historiques en général.

Qu’est-ce qui vous aide le plus à apprendre un nouveau jeu historique? Des règles plus simples, ou un récit plus présent?

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Cuba Libre. Une étude en pédagogie COIN

21/07/2016 | Paul Dussault

Initier des débutants au système COINVous planifiez une soirée de jeu COIN. Supposons que vous recevrez trois amis, et serez le seul à connaître le jeu. Le seul, en fait, à connaître le système COIN.

Mais vous ne l’avez jamais enseigné.

Vous ne voulez pas rater votre coup. Vous vous dites qu’il est de votre devoir de vous assurer que tous aient du plaisir et apprennent bien le jeu. En plus, si votre groupe aime ce jeu, ça augmentera vos chances d’y jouer plus souvent, non?

Enseigner n’importe quel jeu à trois personnes à la fois peut être difficile. Les jeux COIN ne sont pas plus difficiles que bien d’autres jeux. Par contre, ils sont moins abordables, ils offrent moins de prise. Et vous ne savez pas par où commencer.

Rassurez-vous, vous ne pouvez faire qu’une seule erreur: ne pas vous préparer. Et le fait que vous lisez ceci indique que c’est une erreur que vous avez décidé d’éviter.

Soyez prêt

Être prêt ne signifie pas seulement avoir joué au jeu au moins quelques fois, avec toutes les factions y compris les non-joueurs. Ça signifie aussi prendre d’avance le plus grand nombre possible de décisions – il y en a plus qu’il n’y paraît – pour que votre tâche soit, le soir venu, la plus légère possible.

Choisissez le bon format

Quelques questions vous permettront de vous assurer que tous s’entendent sur le format de la séance. De combien de temps disposerez-vous? Vos invités s’attendent-ils à compléter une vraie partie, ou à faire d’abord quelques tours d’initiation (par exemple, comme le suggère Volko Ruhnke, une simple campagne sans événements ni activités spéciales)? Préfèrent-ils une partie ouverte, où vous expliquez au fur et à mesure, ou vous demanderont-ils plutôt de ne leur présenter que la base, pour les laisser jouer seuls par la suite? Les parties ouvertes ont toujours bien fonctionné pour moi.

Choisissez le bon jeu

Tout dépend, bien entendu, des forces et des intérêts des joueurs. Mais généralement, comme je le mentionnais dans un article précédent, des 6 jeux COIN publiés jusqu’à maintenant, je crois que Cuba Libre, avec sa  petite carte, son deck allégé, ses actions simples et ses objectifs clairs constitue la meilleure introduction possible au système COIN.

Choisissez le bon scénario

Cuba Libre n’offre pas de scénarios. Mais la partie courte (2.1 dans les règles) convient très bien à une première séance. En plus de laisser 8 cartes en surplus, que vous pourrez utiliser comme démonstration. Je n’ai jamais utilisé l’option de ne pas révéler la deuxième carte (2.2) avec des débutants; voir un peu d’avance n’a jamais causé de problème. Mais vous connaissez votre groupe, à vous de voir.

Choisissez les bonnes factions

Point crucial. Ici encore, Cuba Libre est idéal. Le Gouvernement est la faction qui diffère le plus des autres. Et comme vous êtes le joueur le plus expérimenté, il vous revient de jouer cette faction. Les débutants joueront les trois factions insurgées. Voici pourquoi:

  • Le Gouvernement, avec ses propres règles et sa situation stratégique particulière, est plus difficile à jouer (cf. ce qui est arrivé en 1959!).
  • En jouant le Gouvernement vous allégez les explications en évitant d’avoir à fournir trop de détails sur l’Aide, la piste US Alliance, etc.
  • Les factions insurgées sont plus simples et régies par moins de règles.
  • Comme leurs règles de base sont assez similaires, beaucoup de vos explications s’appliqueront à tous les joueurs à la fois.
  • Comme elles partagent plusieurs mécaniques, les nouveaux joueurs gagneront à observer le jeu des autres; ils seront plus impliqués durant la partie.
  • Toutefois vous prendrez soin, en jouant le Gouvernement, de toujours expliquer vos actions. Quoi, comment, pourquoi.

Il vous manque un joueur? Ma recommandation est que vous jouiez, en plus, une faction non-joueur, le Syndicate. Les règles sont toutes simples, et vous accapareront moins que de jouer deux factions régulières. Assurez-vous seulement de bien les connaître.

Il y a un autre avantage à choisir les factions d’avance: les joueurs peuvent ainsi se familiariser avec leur faction avant la rencontre. Ils peuvent au moins lire le bon petit résumé des rôles aux p. 14-15 du playbook (les notes de conception, p. 27-31, sont plus générales, mais aussi très intéressantes). Si vous ne craignez pas que ça les intimide, suggérez-leur de lire toutes les règles concernant leur faction.

Et puisqu’il est question de se mettre en appétit, pourquoi pas regarder un documentaire qu’on croirait fait sur mesure pour servir d’introduction à Cuba Libre: Cuba: The Forgotten Revolution (trouvable sur Netflix, au Canada du moins).

Faites la mise en place normale…

Toutes ces décisions vous permettent aussi de faire d’avance la mise en place complète du jeu. Essayer de présenter et d’expliquer ce genre de jeu à des débutants tout en triant et mélangeant les cartes, en comptant et distribuant les pièces, s’est avéré, dans mon cas, inutilement long, sujet à erreur, et dérangeant, tant pour moi que pour les autres joueurs. Votre objectif est plutôt que chaque joueur prenne d’emblée les commandes de ses pièces, de sa faction.

… mais aménagez la pige

Vous ne souhaitez surtout pas tomber dans une ronde de Propagande dès le départ, ou frapper deux Propagandes rapprochées. Pour vous assurer que les premières campagnes se déroulent normalement, et que vous contrôliez le rythme du jeu, apportez quelques aménagements à la pile de pige (ou la pioche).

Après avoir mélangé les cartes événements et les avoir divisées en 4 piles, je prends les 3 ou 4 cartes du dessous de chaque pile et les remélange avec la carte Propagande, avant de les empiler. Je m’assure de cette façon que les rondes de Propagande seront raisonnablement espacées, et que tous auront le temps d’assimiler une première campagne avant d’en arriver à la Propagande.

Bon. Assez de préliminaires. Vous voilà tous assis à la table, autour du jeu que vous avez soigneusement mis en place. C’est maintenant le temps du plat principal. Le temps de passer à l’action.

Soyez prompt

C’est ici qu’il vous faut travailler le plus fort. Dans le but de demeurer le plus léger possible. Vous n’aborderez que les règles de base, mais ça peut tout de même sembler beaucoup pour vos recrues. Dites-en le moins de mots possible, et dites-le le plus possible à leur façon.

Dans leurs mots

Présenter le jeu par des concepts et des moyens que votre groupe comprend déjà est une excellente façon de garder les choses simples et intéressantes. Prenez le temps de réfléchir aux caractéristiques de votre groupe, à ses habitudes de jeu. Identifiez la tribu à laquelle ces joueurs appartiennent.

Jeux européens (ou américains). Les habitués de ces types de jeux devraient n’avoir aucune difficulté à s’initier au système COIN (je ne recommande pas d’initier  3 joueurs occasionnels ou amateurs de jeux légers directement au système COIN). Vous pouvez tout de même leur faciliter les choses en adaptant vos termes et vos exemples. Le système COIN a ses racines dans les jeux de type euro. C’est donc assez facile d’utiliser un langage et des concepts qui leurs seront familiers.

Jeux de guerre. Dans ce cas, vos chances sont bonnes d’être en présence de joueurs déjà familiers avec les jeux pilotés par des cartes (Card Driven Games, CDGs). Et vous pourrez facilement tabler sur ces notions. Les mécaniques entourant les cartes événements des jeux COIN sont une version simplifiée des CDGs traditionnels. Pas de points d’opérations, pas de main à gérer. Vous pourrez aussi vraisemblablement émailler vos explications de termes et d’événements historiques et militaires, avec lesquels ce type de joueur sera plus familier. Je n’ai jamais initié de vrais grognards*, amateurs de jeux de guerre traditionnels (hex & counter), aux jeux COIN. Si vous avez eu ce type d’expérience, partagez-le moi, ça m’intéresse!

Soyez sélectif

Le système COIN, en soi, est simple. Une fois qu’on l’a compris, les nombreuses informations complémentaires tombent en place d’elles-mêmes, sans trop d’effort. Il est simple, mais pas toujours évident. Les recrues tendent à se retrouver inondées de détails et de renseignements superflus avant de saisir la base. En tant qu’initiateur, votre rôle est de les protéger contre ces distractions, et de les mener aussi vite que possible à une bonne vue d’ensemble des principes généraux, qui leur permettra de se faire une idée du reste par elles-mêmes.

Un exemple rapide. Avez-vous vraiment envie de réciter toutes les préconditions, les étapes de la procédure et les retombées d’une opération de Ralliement (Rally)? Chose sûre, aucun de vos auditeurs n’aura envie de subir ça. Ce serait trop abstrait, interminable, et immédiatement enterré par la suite des explications. Je me contente de mentionner que le Ralliement est leur façon d’ajouter des pièces, et je passe à autre chose (Marcher, leur façon de déplacer leurs pièces; Attaquer, comment ils éliminent les pièces ennemies, etc.). Par la suite, durant la partie, quand ils veulent ajouter des pièces, je les aide à exécuter les étapes de l’opération qui s’appliquent à la situation en cours. Rien de plus. Je constate que, de cette façon, les nouveaux joueurs apprennent très vite à jouer par eux-mêmes.

Cela dit, si vous avez bien fait les choses jusqu’ici, tout devrait se dérouler sans difficulté. Voici, en terminant, les grandes lignes de la présentation du système que j’ai utilisée avec des débutants. Voyez ce qui vous convient le mieux. Peu importe comment vous vous y prenez, ayez une direction claire et précise.

Le jeu. Son sujet. Comment il se déroule. Comment on y gagne. De toute évidence il existe une myriade de façons d’aborder tout ça. Je n’utilise d’habitude que quelques phrases générales, m’assurant au moins de mentionner qu’une partie se déroule sur plusieurs séries de cartes événements appelées «campagnes». Durant chacune de ces campagnes, les joueurs joueront normalement plusieurs tours. Ils peuvent gagner en ayant accumulé un certain nombre de points à la fin de n’importe quelle campagne. Ils gagnent des points par diverses actions faites sur la carte.

La carte. Provinces versus villes. Les types de terrain, qui limiteront certaines actions. Je passe rapidement sur les centres industriels pour le moment, ne mentionnant qu’ils sont des zones spéciales rapportant des points à certaines factions à chaque décompte des points. Je présente surtout la population et le contrôle des espaces comme une simple mécanique de majorité autorisant ou bloquant certaines actions, et permettant de gagner du soutien. L’importance des valeurs de soutien/opposition. Comment elles changent. Comment elles multiplient la valeur de la population. Comment elles procurent des points.

Les cartes. Leurs quatre usages principaux: cadencer le jeu, déterminer l’ordre des joueurs, offrir des actions ou «pouvoirs» additionnels, déclencher un décompte des points. J’utilise quelques cartes laissées hors-jeu pour  montrer les icônes de l’ordre des factions et les deux versions des événements. Je présente l’événement comme une action spéciale unique que la faction active peut choisir en lieu et place de ses actions habituelles. Double usage des événements. Momentum et capacités: effets prolongés ou permanents.

Toutes les factions insurgées. Types de pièces, leur rôle et leur valeur. Clandestin versus actif, comme visible/invisible. Les feuillets d’aide de jeu, le menu d’actions. Les quatre actions principales (opérations): ajouter des pièces, déplacer des pièces, influencer la population (réduire le soutien, gagner de l’opposition), éliminer des pièces ennemies. Tous les détails remis à plus tard.

Chaque faction insurgée. Qui elle est. Ce qu’elle cherche. D’où part-elle et où va-t-elle sur la piste de pointage, et ce qui lui permet d’y déplacer son jeton. Ses propres objectifs de victoire (comment la faction gagne la partie). Ses propres objectifs de pointage (comment la faction peut gagner des ressources et éviter des pénalités durant la ronde de Propagande). Ses actions personnalisées, facultatives et généralement gratuites que sont les activités spéciales.

Le tour. Quand est-ce leur tour de jouer. Ce qu’ils font durant leur tour, et pourquoi. Les cartes révélées. L’ordre des joueurs. Le choix entre les actions et l’événement. La plupart des actions peuvent être exécutées plus d’une fois. Leur coût. Les activités spéciales associées.

La séquence de jeu. Maintenant que tous connaissent les événements et les types d’actions, je présente la séquence de jeu comme une simple mécanique de pose d’ouvriers. Deux factions par carte. Éligibilité. Premier, deuxième éligible. Comment indiquer les actions avec le pion. Comment et pourquoi passer. Actions limitées (LimOps).

La Propagande. Décompte des points. Survient à chaque 7-10 cartes. La partie peut se terminer à la première phase de cette ronde. Autrement, les joueurs gagnent des ressources, et peuvent devoir déplacer ou retirer des forces. Toutes les pièces redeviennent «invisibles», toutes les factions, éligibles. Encore ici, nul besoin d’examiner en détail chaque étape d’une ronde de Propagande. Il est beaucoup plus efficace de les décrire en les exécutant durant la partie.

La fin. Au début d’une ronde de Propagande, si au moins un joueur a atteint ses seuils de victoire, la partie se termine immédiatement et ce joueur l’emporte.

C’est loin d’être tout, mais c’est bien suffisant pour commencer. Le succès de toute soirée de jeu dépend nécessairement du groupe que vous initiez. Mais l’ingrédient-clé du succès d’une première partie COIN sera toujours votre niveau de préparation. Tentez le coup!

 

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6 Trucs pour améliorer son COIN

07/07/2016 | Paul Dussault

fea_coin_toolsVous avez perdu lamentablement. Encore une fois. Ce n’est pourtant pas votre première expérience avec un jeu de la série COIN. Vous avez une bonne compréhension des règles, de la stratégie. Vous parvenez même parfois à tirer votre épingle du jeu. Pourquoi donc vos résultats ne sont-ils pas aussi constants qu’ils le devraient?

Dans mon cas, la réponse se trouvait dans les règles. En les relisant j’y ai découvert quelques passages très intéressants, dont la portée m’avait d’abord échappé – c’est qu’il y a beaucoup à penser quand on apprend ce système. Mais les bons résultats que j’ai obtenus en appliquant ensuite ces quelques principes m’ont convaincu de leur importance.

Peut-être que certaines ou toutes ces observations vont vous sembler évidentes, tout comme à moi maintenant. Mais comme elles s’appliquent aux six titres COIN parus jusqu’ici, j’imagine que dans l’ensemble, elles peuvent constituer une sorte de technique de base des jeux de cette série. Un point de départ qui peut être utile aux futurs joueurs et aux joueurs débutants tout comme il m’a été utile.

Tout commence avec la Séquence de jeu

Ce modeste petit diagramme – toujours le même – paraît bien discret sur les plateaux détaillés et colorés des jeux COIN. C’est pourtant d’abord là que se déroule ce qui caractérise ces jeux: réflexions cruciales, compromis cruels,  dilemmes épineux,  échanges de coups brutaux. En gros, c’est là que nous avons notre meilleure chance d’influencer ce qui nous arrive. Peu importe notre situation sur la carte, ce sera souvent sur la Séquence de jeu que ça passe ou ça casse.

J’ai écrit ailleurs que le système COIN comporte certains éléments de jeux euros. Eh bien c’en est un autre. Ce que les deux factions éligibles font avec leur pion, à chaque tour, sur une des trois pistes de la Séquence de jeu, revient à de la pose d’ouvriers pure et simple.

Comme premier joueur, j’ai le choix de la piste, déterminant ainsi les options qui seront disponibles pour la faction suivante. Comme dans toute pose d’ouvriers, les actions les plus avantageuses ont un coût plus élevé. Dans COIN, ce coût est d’offrir plus d’options à l’adversaire. Je me réserve un événement juteux? La faction suivante bénéficiera de la combinaison complète Opération + Activité spéciale. Je souhaite plutôt cette combinaison pour moi-même? J’offre alors l’événement à l’adversaire. Cependant, si j’accepte de sacrifier ne serait-ce que mon activité spéciale, la faction qui me suit se retrouvera coincée dans le choix le plus restreint. De petits sacrifices peuvent ainsi nuire directement à nos opposants, les privant de l’événement ou de l’action dont ils ont besoin, ou les contraignant à ne les exécuter que partiellement.

Apprécier l’importance de la Séquence de jeu ne prend que quelques minutes, mais quelques parties peuvent être nécessaires avant qu’elle devienne centrale à notre réflexion. Quand je suis premier joueur éligible, je me pose maintenant plus de questions avant d’entreprendre quoi que ce soit. Quelle faction est deuxième éligible? De quoi a-t-elle le plus besoin? Puis-je l’en priver, et si oui, combien m’en coûtera-t-il? Préférera-t-elle passer? Devrais-je passer? Quelle sera le prochain événement, et quelle faction en tirera le plus profit? Y a-t-il une troisième faction éligible?

À mon avis, c’est ici qu’on commence à s’améliorer aux jeux COIN. En tablant sur ce moment où, dans un système par ailleurs assez chaotique, on peut prendre une décision éclairée, significative, et ce sans coût ni délai.

Ne pas avoir peur de passer

Si vous êtes comme moi, au cœur de l’action vous vous retrouvez souvent trop absorbé par la recherche du meilleur coup pour simplement envisager ne jouer aucun coup.

Passer sonne un peu comme passif. Ne rien faire. Dans la plupart des jeux, on passe parce qu’on ne peut faire quoi que ce soit d’autre. Ou pour indiquer qu’on a terminé notre tour. Mais dans le système COIN, passer est pratiquement une action; et une action tout à fait valide qui mérite la plupart du temps d’être considérée. Passer sera même, parfois, le meilleur coup possible. C’est en jetant un coup d’œil à ce qu’on peut gagner en passant qu’on comprend que c’est une arme de choix dans l’arsenal de tout joueur COIN.

Prendre l’initiative

Pertes de contrôle, guérillas exposées, bases menacées, les appuis qui s’effritent… ça n’arrête jamais, non? Le système COIN peut se montrer assez tactique. Impossible d’anticiper toutes les menaces qui se pointeront presque à chaque tour. Et qu’on voudra contrer du mieux et aussi souvent qu’on peut. Chacune de ces manœuvres nous donnera l’impression d’améliorer notre position, jusqu’à ce qu’on découvre, à la fin d’une campagne ou même d’une partie, qu’on est en fait dans une situation désespérée.

C’est que de répondre, même habilement, à chaque coup et menace nous maintient en mode réaction. Et je constate que très peu de parties COIN se gagnent de cette façon.

Passer peut briser ce mauvais sort. Oui il s’agit d’un compromis – il faudra vraisemblablement louper une opportunité. Mais passer peut nous donner ce que je considère être un des plus précieux atouts dans un jeu COIN: l’initiative. On veut maintenir les adversaires en mode réaction le plus possible, et être capable de saisir la victoire au moment opportun. Pour ça, il faut l’initiative.

Gagner des ressources

C’est la raison la plus évidente de passer. La plupart des factions insurgées gagnent 1 point de ressources en passant, et les contre-insurgés en gagnent 2 ou 3. Mais pas besoin d’attendre d’être ruiné pour gagner des ressources en passant. Ou de les voir comme un maigre prix de consolation quand on n’a plus de jeu. Le timing est capital. Passer au bon moment peut rapporter les ressources qu’il faut pour rendre une opération imparable, ou atteindre son seuil de victoire.

Choisir le meilleur événement

Le hasard de la pige est dans la nature des jeux pilotés par les cartes (CDGs). Ne pas connaître d’avance les événements limite la planification. On n’est jamais certain de ce qui va se produire, ni qu’on y pourra quelque chose. Dans une partie COIN régulière, on peut au moins connaître l’événement et l’ordre des joueurs à venir. Et s’ils nous sont favorables, si on est la première faction éligible sur un événement intéressant, on peut se le garantir. En passant.

Être dérangeant

Jamais plus de deux factions ne jouent sur une même carte. Et il arrive que ce soit les deux mêmes factions, plusieurs tours de suite. Ce type de combinaison peut être très mauvais pour la santé. Si vous avez déjà été le Taliban qui a eu à faire face à un cycle récurrent Gouvernement + Coalition, vous comprendrez ce que je veux dire. Ça peut faire mal. Tour après tour.

Briser de tels cycles, et faire dérailler le jeu de nos opposants sont une autre chose que passer fait très bien.

Toutes ces réponses

Exactement. Vous pouvez bénéficier de tous ces avantages en un seul coup ou, en fait, absence de coup. Passer peut être aussi fort que ça. Vaut mieux toujours garder à l’esprit cette possibilité.

Et ne jamais oublier que nos opposants peuvent l’utiliser de la même manière contre nous.

Scrabble COIN

Quand j’étais enfant je jouais au Scrabble avec ma grand-mère. Et je me souviens que j’étais ravi de découvrir que rien qu’en déplaçant les lettres sur mon chevalet, je faisais apparaître de nouveaux mots. Des mots auxquels je n’aurais jamais pensé par moi-même.

Modifier l’ordre des opérations et des activités spéciales peut faire de même avec nos plans COIN, et révéler de nouvelles possibilités, certaines si avantageuses que j’ai parfois dû en vérifier la légalité sur les forums.

Par exemple. Je veux utiliser une opération de ralliement pour remplacer deux de mes guérillas par une base. Je récupère ensuite le coût du ralliement avec une activité du genre Extorquer, qui laisse toutefois une de mes guérillas exposée. Pas mal. Mais pour faire de même sans se retrouver avec une guérilla exposée, il suffit d’Extorquer d’abord. On se débarrasse ensuite de la guérilla exposée en l’incluant dans l’échange contre la base. Même principe quand on déplace par Pont aérien les troupes qu’on pourra ensuite convertir en une base gouvernementale bien placée. Une activité peut aussi être jouée pendant une opération. Il peut être utile d’interrompre une Marche pour extorquer ce qu’il faut de ressources pour pouvoir déplacer nos forces un espace plus loin.

L’idée est que les actions n’ont pas à être jouées, ou pensées, dans l’ordre dans lequel on nous les présente sur les aide-mémoire. Tout comme les lettres sur le chevalet au Scrabble, les assembler en différentes combinaisons permet de découvrir d’intéressantes choses à faire.

Peser le pour et le contre des événements

Un des points qui fait du système COIN un type de CDG unique est que la plupart des cartes comportent deux événements. Ou, plus précisément, deux conséquences différentes d’un même événement. Les résultats opposés de ces événements à double usage favorisent généralement une faction, ou un côté de l’insurrection. Mais pas toujours. De un, certains événements sont moins polarisés et aident ou nuisent également à plusieurs factions. De deux, il est rare qu’un événement soit toujours favorable ou toujours défavorable.

Chose sûre, des événements à double usage, au cœur d’une partie à quatre joueurs, font que chaque carte laisse de nombreuses avenues à explorer. Des événements qui nous sont défavorables, ou qui favorisent un adversaire, peuvent parfois tout de même nous aider. Peut-être que l’effet néfaste ne peut s’appliquer que partiellement. Peut-être que le bonus remporté par un opposant le place dans une position que nous serons capables d’exploiter à notre avantage au prochain tour, ou réduira l’avance d’une troisième faction qu’il fallait ralentir. Peut-être encore qu’un événement nuisible n’affecte pas notre stratégie principale, alors que la maigre compensation qu’il offre est exactement ce qu’il nous fallait pour atteindre notre objectif.

Les factions non-joueurs sont régies par des règles strictes concernant les événements qu’elles peuvent choisir ou non. Mais les joueurs «humains» ont toujours le choix. En gardant un œil sur la situation de chaque faction, en observant la dynamique en jeu, on peut parfois tirer profit d’un événement défavorable. Il faut seulement se souvenir que nos opposants peuvent faire de même, et contre-vérifier les retombées de chaque événement.

Négocier

C’est aussi quelque chose que les humains font (normalement, en tout cas). La négociation n’est pas du tout centrale au système COIN, mais y a sa place, puisqu’elle est une des réalités politiques que ces jeux s’efforcent de modéliser.

En plus de l’échange de ressources, parfois limité par les règles, il est possible de s’entendre pour échanger faveurs et promesses, ou tâcher de maintenir ou de saper des alliances. Quand les choses se retournent contre soi, on peut toujours plaider sa cause auprès d’un autre joueur. C’est, par exemple, une bonne façon d’essayer d’échapper à un événement catastrophique sans même être éligible. Quand un des joueurs prend un peu trop la tête, on peut toujours essayer de rallier les autres joueurs contre lui. Ça peut coûter cher ou non,  ça peut mal tourner ou non, et, bien entendu, ça peut aussi tout simplement ne pas se produire du tout, rien n’obligeant les joueurs à tenir parole.

Il faut ne faut pas oublier que toutes les négociations doivent se faire ouvertement, en respectant les règles, et que, la plupart du temps, elles n’engagent à rien. Les discussions intenses qu’elles peuvent susciter, à des moments critiques, m’ont même parfois manqué durant des parties en solo.

Les règles de tous les jeux COIN publiés mentionnent la négociation dans un court paragraphe, généralement autour du point 1.5.1. Quelques détails diffèrent d’un jeu à l’autre:

  • Andean Abyss: Négociations permises, n’engagent à rien. Seules des ressources ou des cargaisons (shipments) peuvent être transférées volontairement (1.5.1).
  • Cuba Libre: Négociations permises, n’engagent à rien. Seules des ressources ou de l’argent liquide (cash) peuvent être transférés volontairement (1.5.1).
  • A Distant Plain: Négociations permises, n’engagent à rien. Toutes les factions peuvent se transférer des ressources, sauf la Coalition. Le Gouvernement peut transférer du Patronage vers des ressources aux Warlords (1.5.1).
  • Fire in the Lake: Négociations permises, n’engagent à rien. NVA et VC peuvent se transférer des ressources pendant le tour d’une de ces deux factions (1.5.2).
  • Liberty or Death: Négociations permises, n’engagent à rien. Tout transfert volontaire de ressources entre factions qui n’est pas demandé par une action ou un événement est interdit (1.5.3).
  • Falling Sky: Négociations permises, n’engagent les factions que pour la durée de l’action en cours. Pendant une action ou un événement, la quantité de ressources pouvant être transférées est limitée à 4. Pendant la phase d’hiver, n’importe quelle quantité peut être transférée à toute faction sauf les Germains  (1.5.2).

Prime pour humanité

Vous êtes un humain? Chanceux! Vous devez donc certainement connaître cette action efficace, gratuite et illimitée dont les joueurs «humains» peuvent se prévaloir, lorsque nécessaire, dans tous les jeux COIN. Ou peut-être pas? C’est là, en toutes lettres, à 1.4.1 de tous les cahiers de règles. Retrait volontaire. Généralement précédé du mot IMPORTANT. Parce que ce l’est.

La plupart des factions, lorsque jouées par des joueurs (par opposition aux factions non-joueurs régies par des règles spéciales) ont un privilège si elles tombent à court de pièces durant une action ou un événement. Il leur est alors possible de retirer les pièces requises de n’importe où sur le jeu, de les retourner dans leur zone Available avant de les réutiliser pour compléter l’action en cours.

C’est un autre petit point de règle qui peut faire une grosse différence. La seule condition est que l’on doit être à court du type de pièce requis. Ça n’arrive peut-être pas très souvent, mais vous vous féliciterez de penser à cette règle quand ça arrivera. Pratiquement sans restrictions (voir plus bas), cette option est plus forte que plusieurs actions que peuvent exécuter les factions. Et ne coûte rien. On a parfois l’impression de promouvoir un pion en Dame aux échecs.

  • Andean Abyss: Toutes les factions, tout type de pièces, joueurs seulement.
  • Cuba Libre: Toutes les factions, tout type de pièces, joueurs seulement.
  • A Distant Plain: Factions insurgées seulement, tout type de pièces, joueurs seulement.
  • Fire in the Lake: Toutes les factions, sauf troupes US et bases US, joueurs seulement.
  • Liberty or Death: Toutes les factions, sauf troupes régulières britanniques et françaises, joueurs seulement (8.1).
  • Falling Sky: Toutes les factions, tout type de pièces, joueurs seulement.  Vers la zone Available ou la piste Légions. Les citadelles peuvent être remplacées par des tribus alliées.

Voilà. Que quelques trucs que j’essaie de garder en tête en jouant. Je ne sais jamais quand je pourrais en avoir besoin, mais je sais que, si c’est le cas, ils peuvent faire la différence. Je suis curieux de savoir quelles sont les règles et techniques les plus importantes pour vous – quel impact ont-elles eu sur votre expérience des jeux COIN?

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Apprendre le système COIN – Mes 5 pires erreurs

31/05/2016 | Paul Dussault

Mes 5 pires erreurs

J’aime les jeux euros plutôt lourds. Je me sens chez moi dans les parties tortueuses et tendues. Les livrets de règles ne me font pas peur. L’histoire m’a toujours intéressé. Je croyais donc que les jeux de la série COIN, publiée par GMT Games et utilisant un système conçu par Volko Ruhnke pour modéliser la guérilla seraient une évolution naturelle pour moi.

Ce ne fut pas du tout le cas.

Maintenant que je suis familier avec ce système, je me demande pourquoi j’ai eu du mal à l’apprendre. Et en regardant en arrière je vois les erreurs que j’ai faites, qui ont rendu cet apprentissage inutilement fastidieux et frustrant.

Les voici.

Si vous êtes un joueur d’euros en train de s’essayer au système COIN, ou simplement en train de vous demander si ce type de jeux est pour vous, je vous encourage à faire deux choses. Premièrement, lisez ce qui suit, au cas où l’un ou l’autre point puisse vous être utile. Deuxièmement, jouez un jeu COIN dès que possible – ça risque fort d’être une expérience exceptionnelle.

Simplement, ne faites pas les mêmes erreurs que moi.

1. Ne vous attendez pas à jouer à un jeu euro

C’est une erreur facile à faire. Vous avez fait un peu de recherche sur ces jeux COIN dont tout le monde parle. Vous vous êtes assuré qu’ils ne comportent pas ces grilles d’hexagones et ces centaines de petits jetons typiques des jeux de guerre. Pas plus que de micro-gestion d’armements, de routes de ravitaillement, de ligne de mire, ou de renforts. Vous êtes plutôt attiré par ce que vous y trouvez: jeux à 4 joueurs, cartes géographiques divisées en régions, gestion de ressources, pions en bois aux couleurs vives, piste de points de victoire tout autour du tableau, et un certain niveau d’abstraction. Sans compter des zones de contrôle, d’influence, des cartes et des dés. On dirait vraiment des jeux euros à thématique de guerre, non?

Eh bien ce qui se produit quand vous vous attablez pour la première fois devant un jeu COIN avec de telles attentes n’est pas très joli. Parce que l’expérience nette, sûre et ordonnée du style euro, à laquelle vous êtes habitué, se retrouve rapidement, et complètement décoiffée.

Bien loin de vous laisser affrioler par un joli livret de règles à saveur thématique, vous devez vous frayer un chemin à travers un langage austère au style télégraphique. Le jargon et les acronymes militaires vous font réaliser combien peu vous connaissez le sujet du jeu en particulier, et la lutte contre-insurrectionnelle en général. Les termes que vous reconnaissez, eux, ne vous retiennent pas très longtemps dans une atmosphère euro. Assassiner, kidnapper, dévaster, carnage ou terreur ne peuvent être plus éloignés de l’agriculture médiévale, de la peinture de la Renaissance, ou du commerce méditerranéen.

Vous savez, ce moment précis où les règles d’un bon jeu euro cliquent dans votre tête, où le jeu semble tenir par lui-même, vous permettant de planifier tranquillement votre victoire? Ça n’arrive pas avec le COIN. Chaque nouvelle carte bouscule vos plans d’une façon ou d’une autre. Vous n’aurez jamais de répit.

Vous savez, ce moment où vous réalisez que vous êtes parvenu à mettre au point une astucieuse machine à produire des points ou des ressources, qu’il ne vous reste plus qu’à conduire le long de la piste de points de victoire? Ça n’arrive pas avec le COIN. Vous ne serez jamais au-dessus de vos affaires.

Vous savez, ce moment rare, ce revirement spectaculaire qui survient parfois dans une partie euro, dont tous les joueurs présents se souviendront et parleront encore longtemps? Eh bien ça, ça arrive avec le COIN. Beaucoup, même. Probablement plus que vous ne le souhaiteriez – c’est-à-dire pratiquement à chaque carte.

Je veux simplement dire que, même si les règles des jeux COIN ne sont pas à proprement parler lourdes et complexes, et que leur style possède bien une composante euro, le déroulement des parties est suffisamment différent pour déstabiliser tant l’amateur d’euros que de jeux de guerre qui ne serait pas préparé. Mieux vaut essayer d’aborder le système sans idées préconçues.

2. N’essayez pas d’éviter les erreurs – vous n’y arriverez pas

L’habitude des jeux de style euro peut aussi nous faire aborder les règles COIN de façon un peu trop littérale et leur donner une trop grande importance.

Comme les premiers tours de votre première partie COIN vous le démontreront éloquemment, lecture et relecture des règles ne suffiront jamais à vous donner une compréhension suffisante du jeu.

Les règles COIN ne sont pas une partition de musique classique où la moindre note, la moindre intonation est minutieusement consignée, mais plutôt le schéma d’un morceau de jazz, où quelques accords chiffrés et bouts de mélodies esquissent la direction générale.

En plus le système est particulièrement sujet aux erreurs. Contrairement à la plupart des jeux euros, les tours de jeu COIN ne sont pas une succession tranquille de phases récurrentes et précisément organisées. Il y a parfois beaucoup à faire, et on fait rarement les mêmes choses dans le même ordre. Ce qui signifie qu’il est plus difficile, et plus long, d’acquérir des automatismes. En tout cas, ç’a été le cas pour moi. Sans compter que le moindre coup peut entraîner une telle cascade d’ajustements manuels qu’en oublier un ici ou là est inévitable. Les coups suivants se construisent ensuite sur cette erreur, et le tout devient pratiquement impossible à démêler et réparer.

Vous ferez donc souvent fausse route, parfois même sans vous en rendre compte. C’est une réalité qu’il faut accepter j’imagine, parce que contre-vérifier et douter de son moindre coup est probablement le plus sûr moyen de gâcher irrémédiablement le plaisir. Vous tenez à réparer chaque erreur? Vous ne ferez que créer des opportunités pour de nouvelles erreurs. Vous tenez à poser en ligne la moindre question qui se présente? Votre thé sera froid avant même que vous ayez complété votre premier coup et, au mieux, vous vous retrouverez avec bien plus de réponses (souvent contradictoires) qu’il vous en faut.

Contentez-vous de jouer, des parties complètes. Souvent. De votre mieux. En négligeant le plus de détails possible. N’essayez pas d’éviter, ou pire, de corriger vos erreurs. Le temps se chargera du reste.

3. Ne commencez pas par A Distant Plain

Non pas que j’aie quoi que ce soit contre A Distant Plain, bien au contraire. Mais s’initier à la série en commençant par le volume III n’était pas l’idée du siècle dans mon cas.

La complexité des 6 volumes parus à ce jour varie substantiellement, surtout pour un débutant. Et même s’il a été démontré que le niveau de complexité ne s’accroît pas nécessairement avec chaque nouveau titre de la série, les deux premiers volumes sont généralement reconnus comme étant les plus abordables. Et j’ajouterais, surtout pour les joueurs d’euros.

Ce n’est pas dire que de commencer par les volumes III ou IV est nécessairement une mauvaise idée; beaucoup l’ont fait. Mais il faut bien voir que ces titres sont des itérations plus avancées du système de base. Et donc, ils y ajoutent pas mal d’éléments: nouvelles règles, plus de subtilités, d’exceptions, de conditions, et de tenue de livre. Tomber dans Andean Abyss après A Distant Plain fut presque un choc. Pas parce que c’était tellement plus simple, mais parce que j’y ai découvert la version « vanille » de beaucoup de concepts de base. Ce qui paraissait être, depuis le seul point de vue d’A Distant Plain, une règle dense pleine de ramifications apparaît, après Andean Abyss, ce qu’elle est en réalité: une mince couche de détails ajoutés à une fondation commune. Et je ne sais pas pour vous, mais pour moi, c’est beaucoup facile d’apprendre de manière graduelle, couche par couche.

Donc pourquoi ne pas vous familiariser avec les idées centrales du système COIN en jouant les deux premiers volumes si vous en avez la chance (Cuba Libre vient d’être réimprimé, et la réimpression d’Andean Abyss est disponible pour précommande). Leur niveau de complexité est comparable, mais la carte de Cuba Libre est bien plus petite et plus dépouillée, ce qui en fait probablement le point d’entrée idéal.

Une fois familier avec le système, je crois que l’ordre dans lequel on joue les différents titres COIN n’a plus aucune importante et est affaire de préférence personnelle.

4. Ne commencez pas par jouer contre les « bots »

C’est, de loin, la pire erreur que j’ai faite.

J’ai pour seule excuse le fait d’avoir joué et apprécié plusieurs jeux en solitaire, tant euros que de guerre. C’est d’ailleurs par intérêt pour leur système solo que j’en suis venu aux jeux COIN. A Distant Plain venait de paraître et, même si je n’étais pas spécialement attiré par son sujet – auquel je ne connaissais du reste pratiquement rien –, j’ai acheté le jeu pour voir comment c’était d’affronter ces factions non-joueurs (ou robots, ou, en anglais, ‘bots). N’ayant aucune idée de ce qui m’attendait, j’ai tout de suite sauté à pieds joints dans une partie solitaire.

Voici à quoi ça ressemblait. C’est le tour d’une faction non-joueur. Vous voulez d’abord déterminer ce qu’elle peut faire, et où. Vous farfouillez longuement à travers beaucoup de règles, conditions, exceptions et mises au point éparpillées dans le cahier de règles, le playbook, les feuillets d’aide, les errata et les forums en ligne. Vous évaluez et réévaluez la position pour la nième fois, comptant les cubes de chaque couleur, vérifiant ce qui est adjacent et ce qui ne l’est pas, calculant le contrôle de chaque espace impliqué. Bon. Il faut probablement faire ceci, ici. Voilà. Un instant… il faut encore trouver trois autres destinations pour cette opération? Et c’est reparti, trois fois. Avant de tâcher de résoudre l’activité spéciale attachée, avec ses propres conditions et priorités. Au final vous obtenez, au mieux, des coups approximatifs que vous n’arrivez pas même à vous expliquer. Mais au moins c’est fait, le tour est complété! Ensuite – ensuite, eh bien, c’est le tour de la deuxième faction non-joueur.

Puis de la troisième.

Vous voyez le portrait. Avez-vous déjà fait un long voyage de bus, descendant à tous les arrêts?

J’ai déjà dit que les règles COIN ne sont pas spécialement complexes. Mais les prétendues règles solo ne sont pas, en fait, des règles. Ce ne sont qu’un ensemble d’instructions, de conditions et de priorités détaillées permettant aux factions non-joueurs de jouer de façon à peu près logique en toute circonstance. Essayer d’exécuter ces instructions sans une bonne compréhension des règles est donc une recette pour le désastre.

Ma recommandation serait d’apprendre les règles d’abord. En jouant. Vous jouez seul? Jouez chaque faction à tour de rôle, de votre mieux, digérant les règles. Il faut se familiariser avec les cartes principales, les conditions de base. Prendre le temps d’établir les connexions nécessaires. De connaître chaque faction, ses principales forces, faiblesses et motivations. Je dirais, jusqu’à être capable de penser un peu d’avance. Par la suite, affronter les ‘bots devient une expérience fluide et agréable. Et un défi, car ils sont bien conçus.

5. L’aide dont vous aurez le plus besoin n’est pas dans les règles

Durant mes premières « vraies » parties, il m’est arrivé ce qui est arrivé à beaucoup de joueurs débutants, si je me fie aux tas de commentaires à cet effet. Même après avoir appris les règles, on se sent bloqué parce qu’on n’a aucune idée de ce qu’il faut faire.

Trouver le mobile des actions de sa propre faction fait partie du plaisir qu’il y a à jouer à un jeu historique. Mais on a tout de même besoin d’un point de départ. Et ce ne sont pas les règles.

Le Playbook

Évidemment. Pour moi, le contenu de qualité qu’on trouve dans la plupart des playbooks de GMT, et ceux des jeux COIN en particulier, est une bonne part du plaisir que je retire de leurs jeux. Et je crois que le playbook devrait être le premier arrêt pour tout joueur COIN débutant.

Les exemples, l’aperçu des factions et de leurs interactions, et l’introduction destinée aux joueurs expérimentés sont d’un grand secours. Et tout particulièrement le court résumé décrivant le contexte de chacune des cartes événements du jeu. Clair et concis, il aide à comprendre l’impact de l’événement dans le jeu, et bien sûr sa place dans le récit historique. C’est devenu une habitude: pendant mes deux ou trois premières parties d’un jeu COIN, je m’arrête à chaque nouvelle carte pour lire ce court texte. Ces pauses de quelque 60, peut-être 90 secondes, en plus de m’économiser 10 fois ce temps, m’ont permis d’apprécier plus profondément le jeu et son sujet.

Les Rondes de Propagande

Avec le recul, ce point semble particulièrement évident. Mais je me suis retrouvé trop embourbé dans les règles solo pour tirer profit des rondes de Propagande (ou Hiver, ou Quartiers d’hiver, selon le sujet du jeu). Non seulement elles constituent un des rares éléments un tant soit peu prévisibles du jeu, mais leurs phases fixes sont un véritable menu d’objectifs à court terme pour chaque faction: critères d’allocation des ressources, d’ajout/retrait des forces, valeur stratégique du contrôle, des voies de communication, des bases, etc.

Les Robots

Vous ne les affronterez pas dès le départ, mais ça ne signifie pas que les factions non-joueur sont inutiles, loin de là. Pensez-y: pour offrir une opposition crédible, leur comportement doit reposer sur des listes précises, complètes et priorisées des meilleurs critères d’évaluation et des meilleures réponses, développées et testées par des experts du jeu. De sorte que ces quelques diagrammes constituent probablement la meilleure introduction possible à l’ensemble du système. Quel joueur sain d’esprit déciderait d’entamer ses premières parties sans avoir épluché cette aide précieuse? Moi.

Le Conflit lui-même

Il va sans dire que de connaître le contexte historique aide à apprécier – et à jouer – tout jeu historique. Mais c’est peut-être encore plus vrai pour les jeux COIN. La connaissance des faits aide parfois à suppléer aux ambiguïtés ou lacunes des règles, et souvent à mieux retenir exceptions et particularités.

Mais nul besoin d’être un érudit ou un expert militaire pour apprécier un jeu COIN – je n’en suis certainement pas un! Si vous n’avez pas le temps de lire certains des titres recommandés dans la petite bibliographie du playbook, un truc intéressant est d’utiliser les titres des cartes événements comme une table des matières sur le sujet du jeu. Je me suis amusé à les entrer tels quels, entre guillemets, dans Google. Et parmi les articles, rapports, vidéos documentaires, manuels obtenus, j’ai appris pratiquement chaque fois quelque chose de nouveau et d’étonnant à propos du conflit, et qui a solidifié ma compréhension du jeu lui-même.

Les Comptes rendus

Enfin, bien sûr, jeter un coup d’oeil à des exemples de jeu et des comptes rendus de parties est très utile. Il y en a d’intéressants en ligne. Même s’ils ne peuvent répondre à toutes les questions de règles (et, oui, contiennent probablement des erreurs), ils peuvent éclairer certains points ou donner aux débutants une idée de l’allure générale d’une partie.

Bref je n’ai aucun doute que les jeux COIN sont accessibles au joueur d’euros sérieux. Mais ils ne sont pas des jeux euros. Éviter de gâcher votre premier contact avec ce système en faisant les mêmes erreurs que moi, et vous découvrirez un système riche et unique.

Et vous? Avez-vous eu de la difficulté à apprendre ce système? Vous y seriez-vous pris autrement?

 

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Colonial Twilight: COIN binaire?

02/05/2016 | Paul Dussault

Colonial Twilight | Brian Train | GMT Games
Il est discret. On le prend pour acquis. Mais il est au coeur du système, coordonnant toutes les actions exécutées sur la carte.
La séquence de jeu COIN à 4 factions dans quelques-unes de ses diverses incarnations.
La séquence de jeu COIN à 4 factions dans quelques-unes de ses diverses incarnations.

En ce sens la séquence de jeu est aussi centrale au système COIN que le CPU l’est à un système informatique. Elle ne sert pas qu’à déterminer ce que vous ferez ou ne ferez pas à chaque tour, mais, plus important encore, ce que vous interdirez à vos adversaires de faire.

À gauche, le CPU derrière le plus récent jeu COIN de Brian Train qui, étrangement, ressemble à un vrai CPU.
À gauche, le CPU derrière le plus récent jeu COIN de Brian Train qui, étrangement, ressemble à un vrai CPU.

Cependant le CPU du système COIN a bien moins changé, au fil des ans, que les microprocesseurs. Il est grosso modo demeuré le même à travers les 6 dernières itérations, d’Andean Abyss à Falling Sky. Mais c’est sur le point de changer:  Colonial Twilight, prochain titre à paraître du concepteur canadien Brian Train sur la guerre franco-algérienne, sera le tout premier jeu COIN à deux factions.

La Séquence de jeu devient la Piste d’initiative

Quelques altérations

  • Présentation ingénieuse. L’organigramme familier à 8 cases cède la place à un cadran de 6 espaces.
  • Une offre plus granulaire. Chaque espace n’offre plus qu’une seule option, contrairement à l’affichaque standard qui en offrait parfois deux.
  • Une mécanique modifiée. Au lieu de devoir prendre la prochaine action en ligne, le 2e joueur éligible peut choisir parmi tous les espaces adjacents à celui choisi par le 1er joueur.
  • Passer? Comme l’option de passer demeure toujours disponible, elle a été placée au centre du cadran, adjacente à tous les espaces. Cependant rien n’indique que passer sera une décision aussi importante que dans le COIN standard, car les joueurs n’ont plus l’option de voir la carte à venir.

Sous la surface, la séquence d’actions proprement dite n’est pas vraiment différente de celle du système standard. Ça doit demeurer un jeu COIN, non?

Et un vrai changement

Dans le système COIN régulier à 4 factions, un maximum de 2 factions peuvent jouer sur chaque carte. Une telle mécanique devient futile dans un jeu à 2 factions, parce que normalement elles demeurent toutes deux toujours éligibles.

Je n’ai pas encore vu une carte événement de près, mais il semble que dans Colonial Twilight, l’éligibilité ne soit plus régie, un peu aléatoirement, par l’ordre des icônes des factions sur chaque carte.

Voici comment j’imagine que ça se déroule:

Le premier joueur éligible choisit une action parmi les 5 offertes en plaçant son pion sur l’espace correspondant. Par exemple, Execute Op & Special Activity. Le second joueur éligible doit ensuite choisir son action parmi celles offertes sur les espaces adjacents, soit Execute Event, Execute Limited Op ou Pass.

D’accord. Alors le 1er joueur éligible détient toujours la capacité cruciale de limiter les choix de son opposant, plus ou moins sévèrement, comme dans le système COIN régulier.

Mais le truc intéressant est que, maintenant, les actions généralement plus avantageuses ont un coût. Les espaces offrant les actions Operation + Special Activity et Operation sont colorés différemment, rappelant au 1er joueur éligible que s’il choisit ces actions il devra abandonner l’initiative et être 2e éligible à compter du tour suivant.

L’éligibilité fait donc maintenant  partie de l’espace de décision des joueurs. Ça sonne aussi bien à vos oreilles qu’aux miennes?

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